Un mois vient de s’écouler, le mois le plus dur de ma vie. Pour en avoir beaucoup parlé, avec mon chéri & mon papa, on se rend compte à quel point avant les drames autour de nous nous traversaient. On les entendait, on les écoutait, on les comprenait, on compatissait… mais en réalité on reprenait le cours de notre vie quelques minutes après, parfois le coeur lourd, mais tout de même. Une chose est sure, on ne vivra plus jamais un décès de la même manière.
On sait aujourd’hui ce qu’il implique, on connait désormais ce que c’est qu’une peine inexplicable avec des mots. On vivra tout plus fort, on souffrira plus fort, on compatira plus fort. On se rend déjà compte en discutant autour de nous que chacun a son lot… Que ce soit par la perte d’un proche ou à travers la maladie, les tragédies sont nombreuses.
Je répète souvent qu’il n’y a pas d’échelle de la douleur, qu’aucune tristesse n’est similaire, et donc qu’on ne peut pas mesurer ce qui fait le plus mal.
Mais aujourd’hui, j’avais surtout envie de partager à propos des mots que je reçois. Car certaines choses sont difficiles à entendre et pourtant ce sont souvent les phrases qui reviennent le plus…
Attention, je précise qu’il n’y a là aucun jugement. Ce sont peut être même des phrases que j’ai déjà dit, ou que j’aurai pu dire. Je précise aussi que je ne sais plus qui m’a dit quoi, que surtout je n’en veux à personne (bien au contraire). J’ai la chance d’être extrêmement bien entourée, couverte d’amour & de bienveillance au quotidien, et je préfère quelqu’un qui se manifeste maladroitement plutôt que la solitude ou le tabou. Mais je veux en parler parce que ça peut servir.
- « Tu es forte » ou « je t’admire » : ce genre de petit mot sensé vous booster, dit avec sincérité pour nous faire comprendre qu’on est en train d’avancer. En réalité, je ne me sens pas forte, au contraire je ne me suis jamais senti aussi faible, aussi anéantie, aussi vulnérable. Qu’on m’admire parce que j’ai perdu ma mamie & ma maman, ça n’a jamais été mon but. Je n’y suis pour rien et j’aurai mille fois préféré que cela n’arrive jamais. Alors si être forte c’est réussir à survivre quand même, à trouver le courage de se laver, de s’habiller, de manger, de lutter pour ne pas passer son temps à pleurer, super je suis forte… Mais je ne vois pas en quoi. Par contre je me répète au quotidien que « je n’ai pas le choix ». On se répète ça avec mon père. Et ON A PAS LE CHOIX. C’est vrai, quelle autre solution ? On m’a dit « on a toujours le choix ». Mais dans cette situation, que faire d’autre ? Me laisser aller ? Me laisser mourir, tomber dans la drogue, rajouter de la peine à mes proches ? Ce ne sont pas des choix envisageables et ça ne fait pas de moi quelqu’un de fort pour autant. Alors je sais que c’est dit avec bienveillance encore une fois, mais de mon côté je n’en peux plus de l’entendre…
- « C’est normal » : ça, ça a été la réponse à tout ce que je disais pendant plusieurs jours/semaines et encore maintenant. Je n’ai pas faim ? c’est normal. Je n’arrive pas à dormir la nuit ? c’est normal. Je n’ai pas envie de parler ? c’est normal. J’ai envie de parler ? c’est normal aussi… Quoique je dise, quoique je fasse, tout le monde me dit « c’est normal ». Alors que moi j’ai envie d’HURLER quand on me dit ça… NON, rien est normal dans ce que je vis, que toute mon existence a volé en éclat, que la normalité est loin. Je pense que c’est un mécanisme humain, l’envie de se mettre à la place de l’autre pour compatir et penser que l’on ferait peut être pareil, donc que c’est normal. Mais vous n’êtes pas à la place de l’autre et il n’y a pas de mode d’emploi, chacun réagit différemment. Rien n’est normal, tout est différent, tout est dur, tout fait mal. Et ce n’est pas normal… (Peut être plutôt dire « fait comme tu peux/comme tu le sens ». Ça ne sert à rien… Mais le « c’est normal » non plus.)
- Et plus globalement… les questions ! Même si je les comprends, chacun a besoin de réponses, on est pas les seuls à devoir faire le deuil et les gens ont besoin d’explications pour comprendre et accepter. Mais c’est dur de répondre, de répéter. Et il faut aussi dealer avec la curiosité de chacun… Bref, ce n’est pas simple.
Bon & puis concentrons nous sur ce qui m’a fait du bien. Encore une fois c’est très personnel, je parle en mon nom et avec mon expérience. Au bout d’un mois, j’ai peu de recul… Mais voilà le positif que j’ai trouvé.
- Être entourée : je le disais plus haut, je me sens vraiment portée par l’amour que je reçois. De mon papa bien évidemment, de mon amoureux chaque jour, de mes ami(e)s qui sont INCROYABLES. Qui se relaient, qui sont la CHAQUE jour, qui m’écrivent sans arrêt… Aussi via instagram où, même si c’est plus virtuel, je me sens très soutenue et encouragée. Nous n’avons jamais été seuls depuis le début et mine de rien ça aide à se changer les idées, à reprendre un peu goût à la vie.
- Lire : une amie m’a apporté « Vivre le deuil au jour le jour » du Dr. Christophe Fauré. Ce n’est pas une lecture très gay, mais elle aide à poser les idées que l’on a et comprendre le processus que l’on doit faire. J’ai l’impression que mon cerveau a tourné en accéléré pendant longtemps, j’avais plusieurs idées par minutes, je pensais à tellement de choses… Ça fait beaucoup de pensées par heure et d’autant plus par jour. Même si j’ai la chance de communiquer très facilement, il est impossible d’échanger sur TOUTES les idées qui me passent par la tête. Ce livre pourtant m’a apaisée, car elles étaient toutes là, couchées sur le papier. Déjà je me suis sentie « normale », pas seule à vivre cela, à penser à tout ça. Ensuite, ça m’a permit de creuser certaines choses. Il n’y a pas que du positif, certaines phrases m’ont fait peur… Mais je le recommande tout de même car il est très instructif. Je suis en train de le terminer et j’ai encore pas mal de lectures qui m’attendent, je vous en reparlerai.
- Me faire aider : j’ai été voir plusieurs fois une énergéticienne. Je ne connaissais pas du tout ce métier, ni son utilité. La première fois, j’y suis allée avec mon papa et je l’ai trouvé transformé entre son entrée & sa sortie… Alors que de mon côté ça ne m’a rien fait. Elle ne m’a pas tellement parlé, ni tellement touchée. J’y suis retournée une seconde fois, où elle a cette fois pu travailler d’avantage sur moi (la première fois j’étais trop « radioactive » prête à exploser de souffrance…). Je compte y retourner encore. Je suis aussi une thérapie EMDR avec un psy, apparemment c’est miraculeux pour les traumatismes, en peu de séances. À voir… Enfin, j’ai accepté de prendre des médicaments le soir pour m’endormir. Après plusieurs nuits d’insomnie et d’angoisses, même si je n’aime pas tellement le fait de recourir à !a, je suis contente de les avoir. Je m’endors avec devant une série…
Voilà, j’aurais surement un millier d’articles à écrire sur ce sujet, je laisse le temps me guider et m’apaiser. Je partage comme ça me vient. Je vous embrasse
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EDIT : ma troisième séance chez l’énergéticienne m’a fait encore plus de bien que les deux précédentes. Je le recommande vraiment à toute personne désireuse de se faire aider ! En revanche, j’ai arrêté l’EMDR après 2 séances. Ce n’est pas quelque chose fait pour moi, ou alors j’étais avec la mauvaise personne, mais je trouvais les séances bien trop dures. Il fallait se reprojeter sans cesse à vivre des scènes encore trop douloureuses et ça me perturbait bien plus que ça ne m’apportait (enfin je crois). On verra avec du temps, je reprendrais dans l’hiver si j’en ressens le besoin, mais comme toujours je vais au feeling et je ne le sentais pas.
« On a pas le choix », ces mots me parlent, tu t’en doutes, combien de fois on m’a dit « mais qu’est ce que t’es forte de surmonter la maladie comme ça », et je le repète toujours « je n’ai pas le choix » , c’est ça ou me laisser mourir.
Alors je comprends tes mots, même si c’est pour autres choses. Et je m’excuse, j’ai du faire partie de ces gens qui t’ont dit « c’est normal ».
On est toujours un peu maladroit…
Je t’embrasse ♥
J’espère que l’emdr t’aidera autant qu’il ma aidé même si nous n’avons pas eu le même traumatisme.
Pour les médicaments du soir, prends les comme une « béquille » que tu arriveras à poser au bout d’un moment.
Je t’embrasse Nolwenn
Bonjour Nolwenn,
Je viens de lire tes 3 derniers articles. Je suis secouée. Tu as cette capacité à t’exprimer, à poser des mots sur tes émotions, qui me touche.
Je me retrouve tellement dans ce que tu dis. Je m’appelle Nolwen, mon second prénom est Marie, et ma maman, mes grands parents, n’oublient jamais ma fête. J’ai perdu mon papa très brutalement également, et je l’ai appris de façon très brutale également (même si je pense que dans ces cas là, il n’y a pas de bonne « façon »). Mon papa c’était toute ma vie, il m’appelait plusieurs fois par semaine. Ce vide immense, je vis avec depuis 5 ans maintenant, je ne peux pas te dire que ça se comble, qu’on ne ressent pas le manque ou que la gorge ne se noue pas parfois, mais ça fait moins mal.
J’ai du soutenir ma sœur (qui avait 20 ans) et ma mère et entendre des « nolwen est forte, elle est infirmière, elle a l’habitude.. ». C’est fou comme ces petites phrases anodines peuvent faire mal. Surtout quand on aurait besoin que quelqu’un prenne le relais.
J’ai également la chance d’avoir pu compter sur un amoureux en or, des amis présents et je pense un caractère plutôt optimiste.
On pense souvent à lui, en se remémorant des souvenirs. j’ai un petit garçon de 11 mois, et je me dis souvent qu’il aurait été un grand père formidable. Que la vie est injuste, mais qu’elle vaut quand même d’être vécue.
C’est la plus grande leçon de vie que j’ai pris dans la figure, on ne se pose plus de questions quand on a envie de faire un voyage, de tester quelque chose. Quand, dans le travail de mon amoureux ça n’allait plus, il a démissionné. On en a profité pour revenir en Bretagne. Il a retrouvé du travail en 1 mois (et pourtant c’était pas gagné, il est ingénieur), et il s’éclate dans son nouveau travail.
Mon père aimait tellement la vie qu’il serait bien injuste qu’on n’en profite pas à fond.
J’aime penser qu’il est ma bonne étoile maintenant, qu’il m’accompagne tous les jours et veille sur nous. Qu’il est fier.
Ça me donne l’impression qu’il est un peu là.
Je t’embrasse.
C’est vrai que parfois on peut être maladroit dans nos mots mais comme tu le dis ce n’est pas pas fait exprès <3
Coucou Nolwenn
J’aime beaucoup la façon dont tu parles de ta douleur. Je m’identifie totalement à tout ce que tu dis dans cet article, non pas concernant un deuil mais concernant une maladie perso. Je n’ai jamais réussi à mettre des mots aussi juste que toi, sur les attitudes des autres voulant « t’encourager », « t’aider ».
Bises